Comment avoir frais l'été en respectant la planète ?

CLIMATÉNERGIEENVIRONNEMENT

Elliot Lopez

12/2/20239 min read

four outdoor AC unit
four outdoor AC unit

Alors que l’on bat des records de chaleur aux quatre coins du globe chaque été, comment survivre à ces températures extrêmes à moindre coût pour l’environnement ?

En France, un rapport de l’ADEME* publié en 2020 estime que près de 25% des ménages français sont équipés d’un système de climatisation [1]. Par ailleurs, 40% des bâtiments de santé (hôpital, résidence médicalisée…) et 7% des bâtiments éducatifs en sont également dotés. Il existe plusieurs grandes familles, dont les les climatiseurs mobiles et les climatiseurs réversibles. En réalité, il existe aussi des climatiseurs monobloc et split, mais nous n'en parlerons pas ici. Pour les climatiseurs réversibles, deux unités sont installées, une à l'intérieur de la maison et l'autre à l'extérieur. L'avantage du climatiseur réversible, c'est qu'il peut aussi chauffer !

Les climatiseurs fonctionnent sur le principe d’une pompe à chaleur (PAC), c’est-à-dire qu’ils utilisent un fluide, dit frigorigène*, qui subit des cycles de changement de pression et température afin de transporter la chaleur d’un bout à l’autre du dispositif. Les PAC de chauffage et le frigidaire sont d'ailleurs des machines qui fonctionnent sur le même principe. On estime que les climatiseurs contribuent à environ 5% des émissions de gaz à effets de serre (GES) imputables à l’électricité en France, soit 0.9 million de tonnes de CO2e* par an [1]. Cela est dû à l’électricité qu’ils consomment, surtout dans le cas des climatiseurs mobiles qui consomment plus de deux fois plus que les PAC, mais aussi au fluide frigorigène à l’intérieur. Ce liquide a la propriété de facilement capter la chaleur pour la transporter, mais cela va aussi de pair avec le fait que les fluides frigorigènes classiques ont un pouvoir de réchauffement près de 1000 fois plus élevé que celui du CO2. Cela en fait donc de gros contributeurs à l’effet de serre mais ils sont heureusement beaucoup moins libérés dans l’atmosphère. Au cours de la vie de votre appareil, en cas d’entretien irrégulier, ou en cas de mauvaise manipulation lors de la mise hors d’usage, des fuites de ce fluide peuvent s’avérer dramatiques pour l'environnement et sont en réalité une plus grande source d’émission de GES que la consommation électrique de l’appareil.

Autre problème, on estime que l’utilisation systématique de la climatisation en ville pendant les périodes de fortes chaleurs contribue à faire augmenter la température moyenne des villes de 1°C la nuit, à cause du rejet d’air chaud vers l’extérieur [2]. Par ailleurs, à l’échelle mondiale, la climatisation représente 10% de la consommation totale d’électricité d’après l’agence internationale de l'Énergie (AIE). De plus, les scientifiques estiment que ce nombre est voué à augmenter [3].

Les étés sont de plus en plus chauds, c’est déjà une réalité en France comme dans le monde entier depuis quelques années. Or, l’utilisation actuelle de la climatisation dans le monde n’est pas adaptée à ce réchauffement. En effet, l’usage de climatiseurs est inégal dans le monde : on estime que près de 90% des ménages japonais et américains sont équipés, contre moins de 5% en Afrique subsaharienne, qui subissent pourtant des températures extrêmes [3]. D’après une étude, le nombre de personnes en stress thermique* quotidien en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est augmente toujours plus vite [4]. C’est donc un effet double où les pays les plus pauvres sont aussi les plus exposés.

Cette inégalité se retrouve à l’échelle d’un pays, avec les ménages les plus modestes qui habitent souvent dans les zones les plus sujettes aux catastrophes naturelles par exemple. On remarque aussi que les solutions de climatisation les moins efficaces comme les climatiseurs mobiles, qui ne peuvent travailler que dans des volumes réduits et en consommant beaucoup d’électricité, sont aussi celles privilégiées par les foyers les plus modestes, alors qu’elles coûtent finalement plus cher sur du long terme. Problème, tout le monde n’ a pas les moyens de financer l’installation d’une climatisation réversible, qui s'élève à environ 3000€. La technologie la plus chère, mais aussi la plus efficace est la climatisation Inverter : dans ce genre de systèmes, des capteurs ajustent en temps réel le débit de la PAC pour qu’elle fonctionne en continu à bas régime, évitant les redémarrages intempestifs et très coûteux en énergie.

Des chercheurs australiens ont comparé les morts causées par les fortes chaleurs entre 1980 et 2020 dans des populations aborigènes et dans les villes australiennes. Ils se sont aperçus qu’il n’y avait aucune différence de mortalité significative entre les aborigènes et les citadins, aussi bien il y a quarante ans qu'aujourd’hui [8]. Cela suggère que cette population aborigène a su s’adapter aux fortes chaleurs et se protège aussi bien que les citadins, qui utilisent pourtant de nombreuses technologies pour résister. Ainsi, même si la climatisation est très utile et risque même de devenir vitale dans les années à venir, elle doit être accompagnée de bonnes pratiques pour éviter au maximum de s’exposer à la chaleur, et pour ne pas être trop dépendant de sa climatisation.

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Sources :

[1] ADEME & CODA strategies (2020) La climatisation de confort dans les bâtiments résidentiels et tertiaires, Faits et Chiffres .

[2] Salamanca, F. et al. (2014) Anthropogenic heating of the urban environment due to air conditioning. JGR Atmospheres 119 10. DOI: 10.1002/2013JD021225

[3] Espargilière, L. (2022) La climatisation : pire remède aux vagues de chaleur et accélérateur de la crise climatique, Vert.eco.

[4] Mastrucci, A. et al. (2019) Improving the SDG energy poverty targets: Residential cooling needs in the Global South, Energy and Buildings. 186 e405-415, DOI: 10.1016/j.enbuild.2019.01.015

[5] M. Pascal et al, Estimation de la fraction de la mortalité attribuable à l’exposition de la population générale à la chaleur en France métropolitaine. Application à la période de surveillance estivale (1er juin -15 septembre) 2014-2022, Santé Publique France (2023).

[6] E. Somanathan et al, The Impact of Temperature on Productivity and Labor Supply: Evidence from Indian Manufacturing, J. Pol. Eco., 129 6 1797-1827 (2021) DOI: 10.1086/713733

[7] The Future of Cooling,https://www.iea.org/reports/the-future-of-cooling, IEA (2018), License: CC BY 4.0

[8] S. Quilty et al, The relative value of sociocultural and infrastructural adaptations to heat in a very hot climate in northern Australia: a case time series of heat-associated mortality. The Lancet Planet. Health 7 8 e684-693 (2023) DOI: 10.1016/S2542-5196(23)00138-9

[9] B. Stone Jr et al, How Blackouts during Heat Waves Amplify Mortality and Morbidity Risk, Env. Science & Tech., 57, 22, 8245-8255 (2023) DOI: 10.1021/acs.est.2c09588

[10] A. Malik et al, The potential for indoor fans to change air conditioning use while maintaining human thermal comfort during hot weather: an analysis of energy demand and associated greenhouse gas emissions, The Lancet Planet. Health 6 4 e301-309 (2022) DOI: 10.1016/S2542-5196(22)00042-0

Glossaire :

ADEMEAgence de l’ Environnement et de la Maîtrise de l’Energie, aussi appelée Agence de la transition écologique. Cette organisation française a été créé en 1991.

Frigorigène :  fluide qui peut capter la chaleur facilement et la transporter à l'intérieur de la pompe à chaleur. On dit aussi qu'il est caloporteur. Ce fluide va subir des changements d'états (gaz, liquide) au cours du cycle, lorsque sa pression et sa température varient.

CO2e : quantité de CO2 équivalent, c'est-à-dire que pour un gaz à effet de serre, on calcule la quantité de dioxyde de carbone qui provoqueraient les mêmes conséquences.

GIEC : Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Il a été créé en 1988 par l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et le programme environnemental de l'Organisation des Nations Unies (ONU).

Les ordres de grandeur à retenir, c'est que pour avoir frais sans trop polluer, tu peux :

  • Opter pour une PAC, qui consomme 2.5x fois moins d’électricité qu'un climatiseur mobile, et encore moins pour la technologie Inverter.

  • Ne pas rafraîchir à plus de 5-6 degrés en dessous de la température extérieure.

  • Déclencher ta climatisation à 30°C au lieu de 27°C pour diviser ta facture par 3.

  • Réduire sa climatisation pendant la nuit, puisque l’utilisation des climatiseurs contribue à réchauffer les villes de près de 1°C la nuit.

Elliot, doctorant en interface chimie-biologie

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Il y a plusieurs types de climatiseurs en France, qui polluent tous l'environnement.

Exemples de climatiseurs mobile (à gauche, provient de espace-aubade.fr) ou fixe (à droite, provient de marieclaire.fr).

En résumé, une PAC est beaucoup plus efficace qu’un climatiseur mobile pour rafraîchir sa maison, mais consomme tout de même beaucoup d’énergie et est nocive pour l’environnement à cause du fluide frigorigène qu'elle contient.

Tout le monde n'a pas les mêmes besoins et les mêmes moyens pour la climatisation. 

C’est un problème d’utilité publique, puisque les morts imputables aux fortes chaleurs ne cessent d’augmenter alors que les épisodes de chaleur extrême deviennent plus intenses et plus fréquents [5]. D’un point de vue économique, des études ont aussi montré que des températures excessives sur le lieu de travail diminuaient la productivité et augmentaient l’absentéisme et le risque d’accident [6]. Ainsi, l’AIE estime que la climatisation est le domaine dont la demande va le plus augmenter et s’attend à environ 6 milliards de climatiseurs installés dans le monde en 2050 contre 1.6 en 2016 [7].

Travailler dans un environnement trop chaud amène des problèmes de productivité et des risques pour la santé. C'est aussi valable pour les lieux de travail en intérieur trop chauds qui ne sont pas climatisés. Image générée par IA.

Comment résister aux fortes chaleurs ?

L’ADEME propose des solutions simples: en plus des bons gestes à adopter pour éviter que la chaleur ne rentre dans la maison, comme fermer au maximum ses rideaux la journée, un usage sobre de la climatisation est conseillé. Par exemple, viser une température de climatisation de 26°C au lieu de 22°C permet de diviser par deux la consommation annuelle de sa PAC, ou encore la mettre en route à partir de 30°C au lieu de 27°C divise par trois sa facture d'électricité [1] ! De plus, il est conseillé de ne pas mettre en route sa climatisation lorsqu’il fait moins de 28°C, et jamais à plus de 5-6° en dessous de la température extérieure !

Pour réduire l’usage systématique des PAC dans les villes, le GIECconseille la mise en place d'îlots végétalisé et la teinte des grandes zones exposées avec des couleurs réfléchissantes. Plusieurs villes comme New-York ou Doha ont ainsi repeint leurs toits et leurs routes en blanc ou en bleu ! Le GIEC encourage aussi les stratégies d'isolation à grande ampleur comme les aides à l'isolation. Ces solutions permettraient aussi de réduire la dépendance énergétique de la population, alors qu’une équipe de chercheurs américains a montré qu’à Phoenix, en cas de coupure d'électricité pendant une canicule, la moitié de la ville serait en risque critique [9].

Dans une ville comme Doha où les températures montent à plus de 50°C en été, la chaussée a été peinte en bleu pour tenter de réduire l'absorption de la chaleur par le bitume. D'après geo.fr.

Doit-on garder les pompes à chaleur ?

Le choix de son système de climatisation est primordial pour optimiser sa consommation d’électricité et son impact sur l’environnement. On a déjà vu que la PAC était le système à privilégier. Des alternatives encore moins polluantes existent, même si elles sont peu répandues :

  • L’air conditionné, qui est un système de climatisation collectif. Il fonctionne sur le même principe que la PAC, mais sur une plus grande échelle et donc optimisée pour un plus grand volume d'habitation ou de bureaux.

  • Les déshumidificateurs, qui réduisent le taux d’humidité de l’air et donc la température ressentie en ne consommant presque rien.

  • Les climatiseurs à eau, qui utilise l'eau comme fluide frigorigène ce qui diminue l'efficacité mais réduit drastiquement les potentielles pollutions.

  • Les ventilateurs, qui ne climatise pas mais renouvelle l'air et procure une sensation de frais.

L’usage combiné de la ventilation avec un système de climatisation peut réduire sa consommation d’énergie de près de 75% sur un an. Pour cela, il faut se servir du ventilateur comme d’un premier outil pour se rafraîchir, auquel on supplante la climatisation lorsque les températures deviennent trop importantes [10]. Passer de l’utilisation systématique de la climatisation à un usage parcimonieux permet de réduire sa facture et son impact sur la planète.

En conclusion, l’adaptation de notre quotidien aux fortes chaleurs est un enjeu important à plusieurs niveaux : santé publique, économie, consommation d’énergie… Le choix de son système de climatisation combiné à une utilisation raisonnée permet aux ménages de réduire leur impact, tandis que des adaptations nationales doivent aussi avoir lieu, comme l’isolation et l’optimisation de l’exposition des bâtiments, et la construction de parcs et d’îlots de végétation dans les villes.