Combien ça pèse un trou noir ?

PHYSIQUE

Mathis Gublin

4/6/20248 min read

Les trous noirs sont des objets célestes qui sont présents un peu partout dans l’univers et qui questionnent les scientifiques du monde entier. Ils constituent l’un des plus grands mystères de l’univers.

Dans cet article, nous plongerons dans l'univers complexe des trous noirs pour aborder la notion de masse, dévoilant d’autres caractéristiques et concepts intéressants liés aux trous noirs.

Tout d’abord qu’est-ce qu’un trou noir ?

La définition d’un trou noir

Comment définit-on les trous noirs ?

Pour cela nous allons parler de la vitesse de libération (ou deuxième vitesse cosmique) d'un astre*. Il s'agit de la vitesse qu'un objet doit avoir pour s'échapper de la gravitation* de l'astre.

Prenons l’exemple d’une équipe d’astronautes qui veut explorer l’espace. Leur première fusée n’est pas très performante et ne peut se déplacer qu’à 5 km/s. Lors de leur essai, la fusée retombe sur Terre et se crash. Ils vont réessayer avec une fusée qui peut atteindre les 7,9 km/s (la première vitesse cosmique). Pour cette tentative la fusée et l’équipage vont réussir à ne pas se crasher. Cependant ils vont se retrouver bloqués en orbite* autour de la Terre. Déçu de ne pas pouvoir aller explorer plus loin, ils vont faire un dernier essai avec une fusée qui peut atteindre les 11,2 km/s (la deuxième vitesse cosmique / vitesse de libération). Cette fois-ci, la fusée a pu partir librement dans l’espace. [1]

En réalité, la fusée a besoin d’avoir une vitesse plus importante puisqu’elle va être ralentie par les frottements de l’air.


En regardant de plus près la formule de la vitesse de libération, on se rend compte que plus le rapport masse/rayon (M/R) est grand, plus la vitesse de libération est grande. Cette vitesse dépend donc de l’astre depuis lequel l’objet part. Par exemple, pour Jupiter la vitesse de libération est de 59,5 km/s et pour le soleil 617,5 km/s. [1]

De plus, il est intéressant de constater que cette vitesse ne dépend pas de la masse de l’objet qui essaie de s’échapper : un paquebot ou une balle de golf ont besoin de la même vitesse pour s’échapper dans l’espace.

Cela rejoint l’expérience de Galilée réalisée en 1971 sur la Lune par l’astronaute David Scott : lors de la mission Apollo 15, Scott se filme et prend dans ses mains une plume et un marteau qu’il va lâcher simultanément à la même hauteur. Et à la surprise générale, les deux tombent à la même vitesse. [2]

Donc si on imagine un astre qui a un rapport M/R tellement gros que la vitesse de libération théorique dépasse la vitesse de la lumière (300 000 km/s) alors il devient totalement impossible de s'échapper de cet objet, car rien ne va plus vite que la lumière. Et bien c’est ça un trou noir, même la lumière n’en échappe pas, d’où son nom d’ailleurs. On ne peut ainsi pas vraiment voir un trou noir.

Maintenant que l’on sait ce que c’est, nous allons aller un petit peu plus loin et se demander : Sont-ils tous pareil ? La réponse est non.

Les différents types de trous noirs

Mais s’il existe différents types de trous noirs, comment les différencies-t-on ?

En effet il existe deux classifications qui permettent de les différencier : le théorème de calvitie et une classification massique.

  • Théorème de calvitie :

Le théorème de calvitie est le suivant, un trou noir est décrit par trois paramètres : sa masse, sa charge électrique* et sa vitesse de rotation. [3]

Cette classification est purement théorique et découle de l’équation d’Einstein de 1915. Ce théorème est assez impressionnant car il nous montre qu’il suffit de trois paramètres pour décrire une des choses les plus mystérieuses de l’univers ; même un jean se décrit avec plus de paramètres (taille, coupe, couleur et matière)

Il y a donc une première classification selon ses paramètres :


Cependant parmi ces trous noirs, uniquement les trous noirs de Kerr ont été observés. En effet, dans presque tous les cas la charge électrique des trous noirs que l’on a pu observer est nulle. [3]

Pourtant de nombreux trous noirs observés par astronomes sont différents. Néanmoins qu’est-ce qui les distinguent les uns des autres ?

  • Classification massique :

Les astrophysiciens ont répondu à cette question en créant une autre classification plus en accord avec ce que l’on peut observer dans l’espace. Cette classification repose sur la masse des trous noirs.

  • Trous noirs stellaires avec une masse de quelques fois la masse du soleil, c’est-à-dire de 10^30 kg à 10^32 kg.

  • Trous noirs supermassifs, 1 million à 10 milliards de fois la masse du soleil, c’est-à-dire de 10^36 à 10^40 kg.

  • Trous noirs intermédiaires : entre les deux. [4]

Mais vous allez me dire : Comment observe-t-on un trou noir ? Parce que si vous avez bien suivi, on ne peut pas les voir.

Et bien, on le devine : on observe des étoiles qui tournent autour d’un objet que l’on ne voit pas et en faisant des petits calculs on arrive à retrouver la masse de cet objet. C’est alors que l’on trouve des masses gigantesques qui ne peuvent que correspondre à des trous noirs. [3]

Maintenant d’autres questions peuvent nous venir en tête notamment sur l’origine des trous noirs. Pourquoi les trous noirs ? D’où viennent-ils ?

La formation des trous noirs

La formation des trous noirs est un phénomène complexe qui fait débat. En effet, l’existence de certains trous noirs n’a jamais été prouvée alors qu’ils ont été observés.

La formation des trous noirs stellaires et intermédiaires s’explique par l’effondrement d’une étoile sur elle-même. En effet, lorsqu'une étoile va mourir, c’est-à-dire quand elle n’a plus de gaz à brûler (comme un feu de cheminée), la gravitation, qui tire vers l’intérieur, va devenir plus forte que la pression de fusion*, qui pousse vers l’extérieur. Ainsi l’étoile va s’effondrer sur elle-même et créer une grosse explosion appelée supernova. Si la masse initiale de l’étoile est suffisamment grosse alors un trou noir va se former.

Les étoiles moins lourdes ne s’effondrent pas car il y a une force fondamentale au cœur de l’étoile qui les en empêche.

Enfin, la formation des trous noirs supermassifs n'est pas si simple. On pourrait penser que ces trous noirs se sont formés au début de l’univers et ont grossi par accrétion*, en “mangeant” de la matière. Selon les historiens de l’univers, il semble impossible qu’il y ait eu assez de matière pour que des trous noirs deviennent aussi gros. Pourtant nous avons observé des supermassifs très vieux (datant du début de l’Univers). [5]

La fusion de deux petits trous noirs pour former un trou noir supermassif est une autre hypothèse mais elle n’a jamais été complètement prouvée. [5]

Horizon des évènements, rayon de Schwarzschild, disque d’accrétion : quelle est la différence ?

Ces termes sont souvent utilisés pour parler des trous noirs. Mais qu’est-ce que ces termes désignent véritablement ?

L’horizon des évènements

L’horizon des évènements est la zone théorique ​​au-delà de laquelle rien ne peut s'échapper du trou noir. Elle est fixe pour un trou noir, au-delà de l’horizon on peut théoriquement fuir le trou noir mais entre le centre du trou noir et l’horizon c’est foutu, on ne peut plus sortir. Cependant le trou noir lui-même (sa matière), est plus petit et très concentré et très dense vers son centre.

Le rayon de Schwarzschild

Le rayon de Schwarzschild représente le rayon hypothétique qu’un astre devrait avoir pour devenir un trou noir.

Par exemple, puisque la vitesse de libération dépend du rapport entre la masse et le rayon, on peut s’amuser à calculer le rayon que la Terre devrait avoir pour devenir un trou noir en conservant sa masse actuelle. Lorsque l’on fait le calcul on trouve 8,9 mm, soit la taille d’un morceau de sucre !

Le disque d’accrétion

Le disque d’accrétion d’un trou noir correspond au disque formé par la matière qui est en train d’être absorbée par le trou noir. Il s’agit du même phénomène que lorsqu’on vide une baignoire remplie d’eau : un tourbillon se forme avec l’eau qui va tomber dans le trou de la baignoire.

Mathis Gublin

Élève en école d'ingénieur

Les ordres de grandeur à retenir, c’est que : 

  • La vitesse nécessaire pour quitter la Terre et ne plus être attiré par celle-ci est de 11,2 km/s soit 40320 km/h et ce pour une fusée, un oiseau ou la Tour Eiffel

  • La masse d’un trou noir varie de 10^30 kg à 10^40 kg

  • La taille de la Terre pour devenir un trou noir tout en gardant sa masse est une sphère de 8,9 mm de rayon

Glossaire :

Astre : objet quelconque de l’Univers, aussi appelé corps/objet celeste.

Gravitation : interaction fondamentale qui désigne l’attraction mutuelle de deux corps dotés d’une masse.

Orbite : chemin suivi par un objet en rotation autour d’un autre objet en raison de la gravitation.

Charge électrique : propriété fondamentale de toutes les particules, en fonction de son signe les particules se répulsent ou s’attirent.

Pression de fusion : force très puissante au cœur d’une étoile créée par l’énergie de la réaction entre des noyaux d’atomes.

Accrétion : constitution et accroissement d’un objet par apport de matière.

Sources :

[1] Jean-Pierre Martin, L’astro.. mais c’est très simple

https://www.planetastronomy.com/presentations/vitesse-liberation.pdf

[2] https://nssdc.gsfc.nasa.gov/planetary/lunar/apollo_15_feather_drop.html

[3] Neil F.Comins, À la découverte de l’univers Introduction à l’astronomie et à l’astrophysique, Deboeck, 2016, p 374-375-376

[4] J.A. Orosz, The Mass of the Black Hole in Cygnus X-1, Arxiv 2011

https://www.asc-csa.gc.ca/fra/astronomie/fiches-information/trous-noirs.asp#

[5] Luminet Jean-Pierre, Les trous noirs, Belfond, 1987

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